Plus d'un an après les émeutes qui ont suivi la mort du lycéen Justin Zongo, la jeunesse de Koudougou (100 km à l'ouest de Ouagadougou) affiche toujours un fatalisme nourri par le chômage et l'indifférence du pouvoir. Reportage (SlateAfrique)
Début d'après-midi tranquille à Koudougou, un mois de septembre d'une saison des pluies plutôt bonne, cette année. Un bon indice du moral du pays.
Au maquis (petit café-restaurant populaire) Le Forgeron, en bordure de la petite route de latérite longeant la cité universitaire, un groupe de jeunes gens discutent en buvant du café.
A première vue, ils n'ont rien des «rebelles de Koudougou» décrits par la plupart de nos interlocuteurs réagissant à notre projet de reportage.
La troisième ville du Burkina Faso —en termes de population— semble plutôt doucement somnoler...
De fait, la rentrée scolaire et universitaire, hormis pour quelques filières, n'a pas encore eu lieu.
Seule une poignée d'étudiants vaquent à leurs occupations dans les logements modestes qui constituent, dans un parc ombragé, la résidence étudiante.
Il y a un an et demi, Ousmane et Omar, 25 et 24 ans, respectivement en troisième et en deuxième année de sciences économiques et de gestion, étaient pourtant «au front», comme ils disent. Comprendre: en première ligne des émeutes parties de Koudougou, avant de s'étendre au reste du pays.
Le 20 février, dans la capitale de la région du Centre-Ouest, le jeune Justin Zongo mourrait, après avoir été passé à tabac par des policiers. Une sombre histoire de jalousie qui a mal tourné.
Après avoir maquillé le meurtre du lycéen en maladie —Justin serait brutalement décédé d'une méningite foudroyante— et sous la pression de la rue et du président Blaise Compaoré, tenant à son maintien au pouvoir à l'heure où le Tunisien Ben Ali et l'Egyptien Hosni Moubarak étaient «fichus à la porte», la police reconnaît sa responsabilité.
Les auteurs du crime sont jugés et condamnés: de huit à dix ans de prison ferme.
La ville de Norbert Zongo
Entretemps, dans la foulée du printemps arabe, le pays de Thomas Sankara a lui aussi été traversé par des soubresauts protestataires. Des panneaux «Dégage» ont été vus dans les rues. Des mouvements spontanés pour le départ de Blaise Compaoré ont été créés.A Koudougou, le 22 février, lycéens et étudiants sont descendus dans la rue.
«La journée du 23 a été horrible, se souvient Ousmane, décrivant comment la population s'est joint à la jeunesse. Chacun s'est ensuite mis à marcher pour sa propre cause. Après les enseignants, les militaires s'en sont mêlés, il y a eu des pillages, des viols, des morts...», raconte le jeune homme.Une violence peu habituelle au pays des hommes intègres, mais significative: voilà 25 ans que Blaise Compaoré est au pouvoir. Et, aujourd'hui, nul ne peut dire avec certitude, si l'article 37 de la Constitution ne sera pas modifié en vue de permettre au chef de l'Etat de briguer un nouveau mandat.
Koudougou, que l'ancien président Thomas Sankara aimait à visiter régulièrement, est connue pour sa non soumission.
«C'est la ville de Norbert Zongo», rappellent en cœur les jeunes.Le fondateur du journal L'Indépendant a été tué le 13 décembre 1998, alors qu'il enquêtait sur la mort mystérieuse du chauffeur de François Compaoré, petit frère du président.
C'est donc à Koudougou que les émeutes suivant sa mort ont été les plus violentes, et les plus violemment réprimées.
Déjà, onze ans plus tôt, le 27 octobre 1987, douze jours après le coup d'Etat au cours duquel Sankara trouva la mort, des militaires s'étaient entretués: onze soldats sankaristes, dont six officiers du bataillon d'infanterie aéroporté, étaient morts sous les balles de leurs frères d'armes.
Cette journée du 27 octobre a fortement marqué les esprits, comme en témoigne ce cadre ministériel, originaire de Koudougou, qui tient à rester anonyme. Pour lui, ces événements visaient rien de moins qu'à éliminer toute une population.
«Les choses se sont ensuite apaisées. Les gens d'ici ont commencé à accepter Compaoré. Puis, il y a eu le meurtre de Norbert Zongo, et la répression des manifs. Forcément, Koudougou continue de s'opposer à la violence et à l'injustice!»
A suivre ...
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